Les précieuses lettres de saint frère André

Celles et ceux qui connaissent l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal savent habituellement que sa fondation remonte à l’initiative d’Alfred Bessette, en religion frère André, de la Congrégation de Sainte-Croix. Mais nous aurions tort de prendre pour acquis que tous les pèlerins qui visitent le sanctuaire le connaissent.

 

Portrait du jeune frère André, novice. Vers 1871? Archives OSJ (4-1).

 

Cette ignorance peut s’expliquer par un détail particulier de la vie de saint frère André, sans être unique dans l’histoire de l’Église, à savoir qu’il a laissé très peu de traces écrites de son vivant. Sa réputation de sainteté s’est établie principalement sur les témoignages recueillis à son propos. Pourtant, il y a bel et bien eu une recherche exhaustive menée par l’archidiocèse de Montréal pour retrouver « les écrits du révérend frère André » [1].

Décédé en janvier 1937, les autorités de l’archidiocèse de Montréal annonce le 15 octobre 1940 au supérieur général de la Congrégation de Sainte-Croix, le père Albert Cousineau, c.s.c., leur intention d’entreprendre le procès préliminaire pour la canonisation. Cette première étape importante est appelée le procès diocésain. Afin de bien entamer le procès diocésain, il faut réaliser l’examen des écrits du religieux.

Dans le cas de frère André, la tâche est facile. Malgré un appel à tous les fidèles de l’archidiocèse de Montréal de rechercher et de rapporter ses écrits (autographes, textes écrits et dictés, imprimés ou non), on ne parvient à rassembler que quelques signatures et de très rares lettres.

 

« Cher Oncle et Chère Tante… »

 

Lettre attribuée à frère André, 13 août 1874. Archives OSJ (P001/13.03.02)

 

Les plus anciennes lettres sont rédigées sur deux petits feuillets à l’attention de sa tante Marie-Rosalie Foisy, sœur de sa mère, et son époux Timothée Nadeau. Ce sont eux qui ont recueilli le jeune Alfred Bessette lorsqu’il s’est trouvé orphelin.

La première remonte au 13 août 1874. Quelques mois auparavant, Alfred prononçait ses vœux perpétuels et devenait frère André. Dans sa lettre, il leur partage la joie de son état de vie religieuse et le bonheur qu’il éprouve dans la maison du Seigneur. La seconde, datée du 22 janvier 1875, est un peu plus longue. Elle est pleine de remerciements pour l’amour que le couple lui a manifestée lorsqu’il était orphelin. Frère André s’ouvre aussi sur leur influence positive sur sa vie spirituelle.

 

Loin des yeux, près du cœur

Deux lettres sont adressées à sa sœur aînée Léocadie.

L’une est datée du 25 février 1879 et est simplement adressée à sa « Bien chère sœur ». Frère André lui présente ses excuses pour son long silence en précisant que ce sont ses nombreuses occupations qui l’ont empêché de lui écrire plus tôt. Il accompagne sa lettre d’images pieuses pour Clothilde, « Joseph et sa dame » [2]. On sent l’amour fraternel sincère de frère André pour sa famille installée aux États-Unis. Il précise qu’il priera pour eux, comme ils le lui demandent, et même avec plus d’ardeur alors qu’approche, « le beau mois de mars […] consacré au bon saint Joseph ».

Une autre lettre, beaucoup plus courte, offre au frère André l’occasion de s’enquérir de la situation des membres de sa famille tout en insistant auprès d’elle pour lui transmettre leurs adresses. Pleine d’enthousiasme, elle est datée du 31 janvier 1882.

 

Lettre de frère André à sa sœur Léocadie, 31 janvier 1882. Archives OSJ (P001/13.03.02)

 

Conclusion     

Est-ce que ces lettres sont authentiques ? Il faut admettre que la différence flagrante entre les calligraphies de chacune d’elles laisse penser qu’elles pourraient avoir été dictées par le frère André à un rédacteur. Peut-être était-ce la façon de procéder à l’époque, notamment pour les religieux qui ne maîtrisaient pas l’art épistolaire. Une autre possibilité est que l’original ait été conservée par le destinataire. Dans ce cas, les lettres que nous avons en notre possession sont des copies. Il faut cependant insister que le procès des écrits a statué qu’elles étaient bien de lui.

Sont-elles pour autant moins intéressantes ? Nous ne le pensons pas. À leur lecture, on voit par-dessus tout apparaître les contours de l’amour familial et de la foi qui animaient le frère André. C’est là, vraiment, que repose la valeur profonde de ces documents uniques.

 

Notes de bas de page

[1] Lettre de Mgr Joseph Charbonneau, 13 novembre 1940, reproduite dans les Annales de Saint-Joseph, janvier 1941, p.26.

[2] Le frère André avait une sœur aînée nommée Clothilde, mais morte en bas âge, presque 9 ans avant lui. La Clothilde de la lettre de 1879 pourrait être la fille de Léocadie. Joseph est leur frère aîné.