La mort, un passage vers la Vie Éternelle

Chaque année, le 2 novembre, l’Église catholique nous convie à un temps de recueillement et de prière afin de commémorer nos défunts, lors de ce que l’on appelle communément « le jour des Morts ». Cette journée n’est pas simplement un moment de souvenir, mais un impérieux rappel de la communion indéfectible qui nous lie à nos proches défunts. Il ne s’agit pas d’une nostalgie stérile tournée vers le passé, mais bien au contraire, d’une rencontre spirituelle authentique, d’une synergie mystique avec ceux qui sont déjà entrés dans l’au-delà, dans l’espérance inébranlable de la résurrection promise par le Christ.

En effet, le 2 novembre, les fidèles catholiques se réunissent pour la Sainte Messe, unissant leurs prières à celles de l’Église Universelle. Ils se rendent dans les nécropoles, prennent soin des sépultures de leurs proches, non seulement comme un acte de respect et d’affection, mais également comme un témoignage tacite de leur foi en la vie éternelle. Ces gestes, apparemment anodins, mais empreints d’une portée symbolique profonde, sont des actes de fiducia en l’espérance chrétienne. Ils traduisent cette conviction viscérale que la mort n’est pas une clôture, mais une porte vers une vie transfigurée. Comme le souligne l’Évangile de Jean : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ! Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jn 11, 25-27). Ces paroles du Christ ne sont pas de simples consolations pour les cœurs affligés, mais une promesse, un engagement transcendant, qui dissipe les ténèbres du mystère de la mort. Car, la foi en la résurrection des morts est un élément essentiel de la révélation chrétienne (cf. Directoire sur la piété populaire et la liturgie, No 249). Et, c’est Jésus lui-même qui répondait aux Sadducéens qui ne croyaient pas en la résurrection : vous êtes grandement dans l’erreur (Mc 12, 24). Il affirme encore : je suis la résurrection et la vie (Jn 11, 25).

Cependant, il est naturel que la mort continue de susciter des interrogations métaphysiques abyssales. Face à l’inconnu, l’être humain peut se sentir dérouté, parfois accablé par le poids de l’irréparable. Même Jésus, le Fils de Dieu, a été submergé par l’émotion devant le sépulcre de Lazare. Il a versé des larmes pour la mort de son ami (Jn 11, 35). Prouvant ainsi que la compassion n’est pas une faiblesse, mais une vertu cardinale qui nous unit dans la souffrance partagée. Cette réaction profondément humaine du Christ nous enseigne qu’il est possible de trouver un réconfort sublime dans la certitude de la vie éternelle, même au cœur de l’affliction de la mort. Comme l’a si bien exprimé le philosophe André Comte-Sponville, « la compassion allège le fardeau de l’autre, en se partageant » (cf. André Comte-Sponville, L’inconsolable et autres impromptus.)

 

QU’EN EST-IL DE NOTRE ESPÉRANCE THÉOLOGALE OU CHRÉTIENNE FACE À LA MORT ?

 

L’une des plus grandes questions qui interpellent bon nombre de personnes de notre temps est la suivante : pourquoi les catholiques prient-ils pour les morts ? Le plus souvent, il s’agit de personnes qui prennent au pied de la lettre le passage de l’Évangile selon Saint Matthieu, où l’un des disciples dit à Jésus : « Maître, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père » (Matthieu 8:21). Mais Jésus répondit : « Suis-moi, et laisse les morts enterrer leurs morts » (Matthieu 8:22). Une réponse qui montre tout simplement que Jésus voulait faire savoir que, contrairement à la tradition juive, où l’ensevelissement était un devoir sacré, suivre le chemin de Dieu est encore plus important que les liens familiaux. Cela ne signifie pas que Jésus voulait briser les liens familiaux, mais tout simplement, que la réponse à l’appel de Dieu est primordiale.

Historiquement parlant, dès l’Antiquité, on retrouve des témoignages qui stipulent qu’aux yeux des Grecs, des Romains et des hindous, les morts étaient considérés comme des divinités à qui leurs proches rendaient hommage par la prière (cf. Jean-Pierre Vernant, Les origines de la pensée grecque). Par ailleurs, l’exemple d’Électre, dans Les Choéphores d’Eschyle, illustre ce point lorsqu’elle s’adresse à son père Agamemnon depuis sa tombe.

Il ne serait pas insignifiant de rappeler que la peur de la mort est un sentiment naturel qui peut affecter même un croyant. Cependant, notre foi chrétienne nous aide à aborder la mort paisiblement. Mère Teresa dit que : « je vais rencontrer Jésus que j’aime ; je lui ai donné ma vie. À ma mort, je vais aussi revoir ceux que j’ai aimés, ceux qui sont morts dans mes bras. Ils m’attendent. Notre amour ne meurt pas. Pourquoi aurais-je peur de la mort ? Je la désire. Elle me permettra d’entrer enfin dans ma maison » (cf, Mère Teresa, No Greater Love). Fort de cette affirmation, la mort nous rejoint tous un jour, mais elle n’est pas la fin de tout. Pour nous, croyants, la foi chrétienne est source d’espérance et met l’accent sur l’amour bienveillant de Dieu (cf. 1 Corinthiens 15:55-57). Notre espérance chrétienne tire son fondement dans la résurrection du Christ, et nous croyons avec assurance que nous ressusciterons comme lui, avec lui et par lui. Par notre baptême, tous les croyants participent à la communion des saints ; que nous vivions ou que nous mourions, nous sommes entre les mains de notre Dieu (cf. Romains 14:8), en tant qu’êtres humains nés de la chair.

 

SI LA DISPARITION D’UN ÊTRE CHER NOUS PLONGE DANS UNE DÉSOLATION INCOMMENSURABLE, OÙ EST NOTRE FOI EN LA PROMESSE DE LA RÉSURRECTION ?

 

Saint Paul, dans sa première épître aux Thessaloniciens, répond à cette angoisse existentielle avec une vigueur inaltérable : « Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres, qui n’ont pas d’espérance. » (1 Th 4,13-18). Pour l’apôtre des nations, la mort n’est qu’une pause liminaire, et ceux qui sont morts en Christ ressusciteront pour vivre avec lui dans l’éternité. Après la mort, l’âme séparée du corps corruptible ira à la rencontre de Dieu. À cet effet, à la fin du monde ou à la parousie, au retour du Christ, tous (hommes et femmes) ressusciteront (1Th 4, 16). « Tous ressusciteront avec leur propre corps qu’ils ont maintenant, mais ce corps sera transfiguré en corps de gloire (Ph 3, 21) ». La résurrection n’est pas une espérance diffuse, mais une certitude ontologique, enracinée dans la victoire absolue du Christ sur la mort. Qu’il est grand le mystère de la foi.

Deux vérités cardinales sous-tendent cette espérance. La première est la résurrection du Christ, cet événement eschatologique qui a bouleversé l’histoire humaine et redéfini le sens de la vie et de la mort. La seconde est la conviction que la mort, bien que péremptoire, n’est pas une malédiction, mais une étape inhérente à notre condition humaine. Pourtant, dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, nous découvrons la clé herméneutique qui nous permet d’appréhender le sens ultime de notre existence. À chaque confrontation avec la mort, nous devons nous rappeler cette promesse du Christ : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra (Jn 11, 25-27) ». Cette promesse offre un horizon eschatologique à notre existence, car elle nous assure qu’au-delà de la mort, une autre vie nous attend, une vie dans l’éternité, en communion avec Dieu. Cette communion, nous la proclamons chaque fois que nous récitons le Credo au cours de la Messe. « Je crois en la communion des saints », affirmons-nous, réitérant ainsi notre foi en cette vaste communauté spirituelle qui transcende les limites du temps et de l’espace. La communion des Saints est cette unité intangible entre les croyants vivants et ceux qui ont déjà franchi le seuil de l’au-delà. Le 2 novembre, en particulier, nous prions pour ces âmes, convaincus que, dans le Christ, la vie ne se dissipe pas dans le néant. Les défunts ne sont pas absents, mais invisibles, toujours présents dans la grande famille des croyants, telle une omniprésence discrète, mais palpable.

En somme, ce jour des morts constitue un vibrant rappel que la mort n’a pas le dernier mot. Unis dans la communion des saints, nous demeurons en relation indissoluble avec ceux qui nous ont précédés, et nous continuons de cheminer ensemble, portés par l’espérance indéfectible en la résurrection et la vie éternelle. La mort n’est pas une fin, mais l’aurore d’une nouvelle étape, celle d’une existence infinie dans la lumière de Dieu.

 

Que le Christ, notre Seigneur, qui nous promet la vie éternelle, vous comble de sa paix en ce jour béni.