Père Émile Legault, c.s.c. (1906-1983).
Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal.
Nommé rédacteur-en-chef de la publication en septembre 1953, le père Émile Legault, c.s.c., publie en janvier 1954 un éditorial dans lequel il déclare « qu’il est temps, plus que jamais, d’une croisade pour le rajeunissement de saint Joseph ». Le père Legault n’y va pas de main morte : parlant d’un jeu scénique qu’il compose sur saint Joseph1, il exprime le désir de « corriger l’image frelatée » de Joseph, image héritée des jeux de théâtres du Moyen-Âge que l’on nommait les Mistères2.
L’idée de présenter un saint Joseph âgé était bien simple : assurer aux fidèles une foi absolue en la pureté de la Vierge. Père Legault montre assez peu de sympathie pour cette image de « vieux barbon inoffensif » et « vaguement ridicule ». Le ton est donné.
Dès le mois suivant, la une de la Revue, illustrée par l’artiste Perfecky, présente le portrait d’un saint Joseph âgé tout au plus d’une vingtaine d’années. On indique ainsi vouloir faire le lien entre une vision moderne de saint Joseph et sa représentation que l’on peut voir dans les catacombes des premiers chrétiens.
Illustration de la couverture de la revue L’Oratoire, février 1954, par l’artiste Léonid Perfecky.
Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal
Une objection pacifique…
La décision de rajeunir saint Joseph suscite des réactions, notamment d’un dénommé Jean le Pacifique qui publie plusieurs lettres en réponse au père Legault dans les pages de l’Action Catholique durant l’année 1954. Pour ce dernier, il faut tenir compte de la tradition ancienne et aussi des évangiles apocryphes – les textes qui n’ont pas été retenus dans le canon des évangiles et lettres qui composent le Nouveau Testament. De plus, n’est-il pas juste de dire que nous ne savons rien de saint Joseph, ou si peu ?
Le père Legault réplique que les fouilles archéologiques dans les catacombes chrétiennes sont formelles quant à la représentation d’un Joseph jeune en compagnie de la Sainte Famille. De même, les lois juives à l’époque de Jésus quant à l’âge du mariage entre deux époux sont clairement en faveur du mariage à un jeune âge. Or, si Joseph a été un « juste » au sens où il respectait la Loi de son peuple, il paraît évident qu’il aura aussi respecté l’enseignement propre à son mariage.
Et des encouragements
Tout au long de l’année 1954, le père Legault multiplie les textes en faveur de sa campagne. Faisant preuve d’une pédagogie enthousiaste, alliant humour et un style d’écriture vif, il précise patiemment les points importants de cette cure de jouvence. Il ne manque pas de souligner qu’à l’Oratoire même on retrouve dans l’art consacré à saint Joseph cette image d’un jeune chef de famille :
« La statue de marbre du maître-autel dans la crypte ; la statue bénite par le Pape Pie X […] ; celle de la chapelle des ex-votos ; la statue extérieure signée par le sculpteur canadien Alfred Laliberté ; celle de la chapelle primitive ; toutes représentent un saint Joseph dans la force de l’âge. […] Saint Joseph n’a pas toujours été cinquantenaire. Il me revient même qu’il a déjà eu 10 ans, 12 ans, 15 ans… »3.
Appuyé par le frère André
Certains accusent le père Legault de mépriser la tradition ainsi que de promouvoir une image déformée de la vieillesse, au point de renier le frère André. Or, le père Legault a les arguments pour répondre à ces accusations :
Saint frère André, c.s.c., devant une statue de saint Joseph. Vers 1930, photographe inconnu. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal
« Le frère André est mort nonagénaire. Tout le monde sait cela. Mais il avait vingt-sept ans quand il fut nommé portier au Collège Notre-Dame, où il allait mettre en chantier sa patiente cathédrale spirituelle à la gloire de saint Joseph. « Je vous envoie un saint » avait écrit le curé de Saint-Césaire au Provincial de Sainte-Croix. Vingt-sept ans. »
« Comment le frère André voyait saint Joseph ? Jeune, imaginez, mon cher. Jeune, de tout au plus trente ans. La statue devant laquelle il pria inlassablement, dans la petite chapelle construite par ses soins, est là pour en témoigner.4 ».
Les lecteurs et les pèlerins de l’Oratoire semblent avoir donné raison au père Legault, si bien que plusieurs couvertures de la revue reprendront l’image d’un saint Joseph jeune. Lorsque, en 1955, s’ouvrira l’année jubilaire consacrée à saint Joseph, le débat est clos. Le père Legault peut bien écrire alors « Vive le jeune, le beau et le fort saint Joseph du Mont-Royal ! ».
Illustration de la couverture de la revue L’Oratoire, février 1954, par l’artiste Léonid Perfecky.
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Illustration de la couverture de la revue L’Oratoire, juillet 1954. Artiste non-identifié.
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Illustration de la couverture de la revue L’Oratoire, décembre 1954, par E. Lafflame.
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1 Il s’agit de la pièce de théâtre Premiers gestes, présentée par la troupe des Jongleurs de la Montagne. La première représentation eu lieu en décembre 1953, au moment de la formation de la troupe, et sera reprise jusqu’en 1956. Revue L’Oratoire, mars 1954, p.29
2 « Le saint Joseph que j’ai voulu… », revue L’Oratoire, janvier 1954, p.2-3
3 « Il faut frapper le fer… », revue L’Oratoire, avril 1954, p.21
4 « Jean le Pacifique devient nerveux… », revue L’Oratoire, juillet-août 1954, p.20