Plus que des cloches

Plus que des cloches

 

Le carillon de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal fête ses 70 ans. Dans cette série de deux articles, les archives vous proposent de plonger dans l’histoire de l’instrument et de celles et ceux qui ont été ses carillonneurs.

 

 

 

Un oratoire sans clocher

Le pèlerin attentif remarque que l’Oratoire ne possède pas de clocher. Il n’y a aucune structure sur la basilique ou sur la crypte pour recevoir des cloches. Il n’en fut pas toujours ainsi.

En 1908, un donateur du nom de Joseph Paquette offre au sanctuaire une cloche de 1000 livres (1). L’objet, commandé en France, résonne pour la première fois le 13 mai 1909. Un mois plus tard, les zélateurs organisent une cérémonie de bénédiction officielle pour la cloche. Recouverte de fleurs et de tissus blancs pour symboliser son baptême, elle est suspendue à une structure de bois de plus de 3m de hauteur en attendant la pose d’un campanile sur la chapelle. Ce dernier est complété en 1910.

 

 

Après la construction de la crypte en 1917, la cloche est descendue de son campanile. Difficile de dire pourquoi, sinon que son poids laisse craindre des dommages irréversibles à la chapelle. Des photos prises entre 1924 et 1954 nous montrent que la cloche est déménagée à quelques reprises : d’abord sur le toit de la crypte, puis sur le toit du pavillon Sainte-Croix. Voulait-on mieux entendre la cloche ? Avait-on l’intention de l’installer de façon permanente ailleurs ? On ne connaît pas la suite de son histoire ni de ses déplacements si bien qu’elle « retrouvée » presque par hasard à l’été 2007 (2).

 

Deux projets soumis trop tôt

En 1951, la Compagnie Morissette de Québec, représentant des cloches Paccard depuis 1894, offre à l’Oratoire un carillon de 35 cloches pour 16 000$. L’offre est jugée intéressante mais les religieux eux-mêmes indiquent que « le problème [d’avoir un carillon] ne se pose pas actuellement ». La proposition est rejetée, d’autant plus que selon un expert engagé par l’Oratoire l’ensemble est trop petit pour l’ampleur du sanctuaire (3).

Quelques mois plus tard, la Compagnie Stromber-Carlson offre un carillon électronique de 38 cloches. L’entreprise propose à l’Oratoire de mettre l’instrument à l’essai sans aucun frais pour un minimum de cinq ans. On hésite et le projet tombe à l’eau. La collaboration avec Stromber-Carlson ne va pas plus loin (4).

 

Des cloches inattendues

Les choses prennent une tournure inattendue le 16 juin 1954 alors que les religieux reçoivent de la célèbre maison de cloches Paccard, pour une période d’essai, « un carillon de 48 cloches, destinées à la tour Eiffel, installées temporairement dans le parc d’Asnières où le carillonneur M. [Lannoy] donne ses concerts au cours de la belle saison » (5). Ravi, le conseil se met aussitôt à la recherche de bienfaiteurs qui accepteraient de payer pour l’achat du carillon. L’occasion coïncide parfaitement avec les fêtes du cinquantième anniversaire de l’Oratoire.

Toutes les cloches de Paccard arrivent entre novembre et décembre 1954. Elles sont installées temporairement dans le chœur de la basilique. Elles sonnent lors de la messe de Noël mais c’est à l’occasion d’une grande cérémonie de bénédiction officielle, avec la participation du cardinal Léger, le 27 février 1955, qu’elles sont officiellement accueillies au sanctuaire.

 

 

Le beffroi de l’Oratoire

Dans la foulée de la cérémonie, le conseil autorise la dépense de 8 500$ pour la construction d’un beffroi pour le carillon. Dans L’Oratoire du mois d’avril, le père Deguire est fier d’annoncer que toutes les cloches du carillon ont été acquises par des bienfaiteurs et que l’argent amassé permet même d’ajouter cinq cloches (6). Le père Deguire indique dans une entrevue à La Patrie et à La Presse que l’Oratoire convoite de construire « un campanile de 175 pieds de hauteur du côté ouest de l’Oratoire. Mais [que] dans l’intervalle on érigera un campanile temporaire » (7).

Au total, le projet représente une dépense approximative de 35 000$, entièrement défrayé par les donateurs. Le carillon de l’Oratoire est à ce moment le deuxième plus grand carillon au Canada (53 cloches). Le Rainbow Tower, situé à Niagara, est le plus grand (55 cloches).

Le beffroi est construit à l’emplacement de la chapelle d’origine de frère André qui a été déménagée à l’automne 1954. L’installation des cloches dans le beffroi demande de faire appel à un monteur de carillon délégué par la maison Paccard, Alexis Bouvier, qui vient en personne superviser la mise au point du mécanisme.  Le concert inaugural est présenté le 15 mai 1955. Le carillonneur Émile Vendette est choisi pour cette première prestation devant public. Le programme proposait des compositions à saint Joseph, des pièces de Gounod, Haydn, Bach et Mozart.

 

 

(1) Annales de Saint-Joseph, septembre 1912, p.262.

(2) Jean-François Rioux. « Le destin mouvementé d’une cloche », L’Oratoire, janvier-février 2008, p.22-23.

(3) Procès-verbal du conseil local, 10 juillet 1951.

(4) Procès-verbal du conseil local, 2 octobre 1951.

(5) Procès-verbal du conseil local, 16 juin 1954.

(6) Père Émile Deguire. « Dans le silence de la nef, les cloches attendaient », L’Oratoire, avril 1955, p.21.

(7) La Patrie, 5 février 1955, p.49.