Quatre rencontres signifiantes de frère Ubald Parr avec Saint frère André

Au cours de l’année 1999, père Mario Lachapelle, c.s.c. a eu l’occasion d’inviter le frère Ubald Parr c,s,c,, doyen du personnel de l’oratoire et maintenant décédé, à faire une présentation de sa vocation en Sainte-Croix et de ses souvenirs de ses rencontres avec frère André au groupe des Associé-e-s de Sainte-Croix.

 

Une première rencontre

J’arrive à l’École Normale Sainte-Croix en septembre 1927. Tous les matins, nous allions à l’Oratoire pour la messe de 6 h 00. C’est à ce moment que je vis pour la première fois Frère André. Il assistait à la messe à l’arrière du chœur. Il venait de communier des mains du célébrant et nous le voyions escalader les marches de l’autel, petit homme marchant le ventre bien en avant et il retournait à sa place. Il avait 81 ans et j’en avais 16…

 

Une rencontre où il m’est donné de comprendre la voie de sa vie

Cette deuxième rencontre eut lieu en octobre 1929. J’avais 18 ans. Je remplaçais l’organiste du temps, frère Placide Vermandere, parti en vacances pour une semaine. Pour la deuxième messe, quelqu’un devait venir prendre ma place pour que je puisse aller déjeuner à la salle à manger des religieux de l’Oratoire. J’arrive donc au réfectoire et j’aperçois une grande table pouvant accueillir 14 convives à la fois. Une seule place y est libre à gauche d’un religieux occupant le bout de la table. Je vais m’y asseoir pour m’apercevoir que ce voisin n’est nul autre que le frère André. Le frère André mange du gruau. Sans trop lever la tête, il me voit du coin de l’œil. Il s’arrête de manger et s’occupe de moi. « Allez, me dit-il, sonner à la petite porte du coin et demander à la sœur ce que vous désirez ». Ce que je fais et je reviens à ma place. Il n’y eut pas d’autres conversations, le déjeuner se prenant en silence ce matin-là. Parmi les religieux à cette table, il fut le seul à s’occuper de moi malgré la consigne du silence : il m’accueillit (en faisant trêve à son déjeuner), il m’écouta (par son regard attentif) et me conseilla (aller et demander ce dont vous avez besoin). Ce sera la voie de toute sa vie : ACCUEIL-ÉCOUTE-CONSEIL (A-E-C). Voilà un bien beau programme pour nous tous.

 

Une rencontre des plus fécondes

Cet épisode se passe, je crois, en 1934. Je viens de recevoir de ma cousine Isabelle une lettre me demandant d’aller voir saint Joseph pour elle. Ma cousine avait perdu son premier enfant et elle-même avait failli y perdre la vie. Elle était enceinte. Elle me demandait de déposer cette intention d’heureuse naissance dans les mains de saint Joseph. J’étais alors professeur à l’école Beaudet de Ville Saint-Laurent. Je vins donc voir le frère André et lui exposai le cas de ma cousine. Le frère André, debout devant une table, les yeux fermés, écouta mon exposé. Il y eut un silence de quelques secondes. Un court silence qui me parut long. Avait-il compris, me disais-je… Sans lever les yeux, il me dit : « Ça va bien aller… ». Ma visite était terminée. Et ça bien été, puisqu’elle a donné naissance par la suite à 14 enfants.

 

Une dernière rencontre

Nous sommes le 5 janvier 1937 et le frère André est à l’hôpital de Saint-Laurent. Dans le coma, il agonise. Accompagné de quelques religieux, je suis près du mourant. Nous récitons les prières des agonisants. Le frère André repose dans un lit d’hôpital. Le bras gauche fait un léger mouvement de haut en bas. Il l’appelait son communiste. À cette époque, on parlait beaucoup de cette doctrine. Le Pape Pie XI avait écrit sur les méfaits du communisme. Dans mon imagination, je revois encore cette scène : « Le frère André dans une jaquette blanche, la médaille de saint Joseph attachée au cou ». Il est décédé le lendemain à minuit et 50 minutes (00 h 50).