Toucher le ciel
Le carillon de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal fête ses 70 ans. Ce deuxième article va à la rencontre des carillonneurs qui ont fait chanter les cloches pour les pèlerins et les visiteurs depuis 1955.
Le carillonneur de l’inauguration
Émile Vendette
Émile Vendette est originaire de la ville d’Ottawa. Né en 1919, il apprend le carillon en 1936 et donne ses premiers concerts à la Tour de la Paix du Parlement canadien en 1938. Il perfectionne son jeu et ses connaissances en Belgique jusqu’à ce que la guerre le force à revenir au Canada. Vendette est un carillonneur réputé à l’église Saint-Jean-Baptiste d’Ottawa lorsque l’Oratoire lui confie le concert inaugural.
Outre sa prestation à l’inauguration, il a été le premier à enregistrer au carillon de l’Oratoire. Vers 1955, il enregistre un disque contenant Sainte Nuit et Les anges dans nos campagnes (1). Émile Vendette est décédé en 1992.
Le carillonneur vedette
Émilien Allard
Émilien Allard est un musicien avec une carrière musicale remarquable comme clarinettiste, directeur d’orchestre et organiste pour l’église Saint-Paul, à Grand-Mère, en Mauricie. Il étudie en Belgique de 1946 à 1948, à l’École de carillon de Malines. Émilien Allard est engagé pour le carillon de l’Oratoire en janvier 1956.
Le 30 décembre 1957, le conseil de l’Oratoire accepte « après discussion sur la question » d’accorder à Allard un congé de six semaines pour lui permettre de participer aux concours de carillon de l’Exposition universelle de Bruxelles. Bonne décision, puisqu’il est couronné grand gagnant du Prix international de carillon de Malines (2).
Émilien Allard enregistre au début des années soixante le disque Noëls au carillon de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. Il quitte ses fonctions le 15 septembre 1975 pour travailler à la Tour de la Paix. Il décède quelques mois plus tard en novembre 1976.
L’Oratoire peut être fier d’avoir eu un musicien de la trempe d’Allard dans son histoire. Figure majeure du carillon au 20e siècle, il a fait plus de 400 arrangements et compositions en plus de construire lui-même un clavier de pratique silencieux.
La première « carillonneur »
Andrea McCrady
Trouver un remplaçant à Émilien Allard au carillon s’avère difficile pour l’Oratoire. En octobre 1976, après quelques mois de silence, l’Oratoire accorde à « une jeune musicienne américaine » la permission de jouer au carillon le dimanche après-midi. Cette jeune femme s’appelle Andrea McCrady (3).
Andrea McCrady a été introduite au carillon lors de ses études au Connecticut, en 1971. Elle s’envole pour l’Europe en 1975 grâce à une bourse qui lui permet de poursuivre son apprentissage et de jouer sur des dizaines de carillons en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Elle fait la rencontre des plus grands spécialistes de l’art campanaire. Inscrite aux études en médecine à l’Université McGill, McCrady écrit personnellement à Émilien Allard avant son retour au Canada pour solliciter la permission de jouer au carillon de l’Oratoire. Grâce au frère Bernard Lafrenière, c.s.c., sa demande devient réalité.
Avec ses études exigeantes, Andrea McCrady ne peut jouer que les dimanches après-midi mais la qualité de son jeu et ses connaissances profondes de l’instrument en font une musicienne exceptionnelle pour l’Oratoire. Grâce à elle, la relève du carillon semble assurer puisqu’elle est sollicitée pour former un jeune religieux de Sainte-Croix, le frère Claude Aubin.
Le carillonneur familier
Claude Aubin
Claude Aubin est titulaire d’un diplôme en musique lorsqu’il débute son apprentissage avec Andrea McCrady. Il poursuit sa formation aux États-Unis et est reçu membre de la Guilde des carillonneurs en 1979 (4). Il quitte la vie religieuse en 1986 mais demeure au service de l’Oratoire en tant que carillonneur.
Sous sa gouverne, le carillon devient un instrument familier pour les pèlerins et les visiteurs. Il est l’instigateur de plusieurs concerts et festivals de carillon entre 1979 et 2009. En 1985, pour souligner les 30 ans du carillon, Claude Aubin invite nul autre que Jacques Lannoy, de Douai en France, celui-là même qui avait été le premier titulaire des cloches avant leur arrivée au Canada.
Durant ses activités à l’Oratoire, il enregistre le disque Noëls avec la Chorale d’adultes de l’Oratoire Saint-Joseph qu’il dirige également.
La « carilloniste » pour le 21e siècle
Andrée-Anne Doane
La montréalaise Andrée-Anne Doane est nommée titulaire du carillon le 5 octobre 2009 (5). Formée au piano, à la flûte et au chant, Andrée-Anne étudie à Montréal (UQAM), aux États-Unis et en Italie. Elle anime pendant cinq ans le chant dans le cadre des célébrations à l’Oratoire en plus d’avoir la charge d’organiste dans des paroisses montréalaises. Elle étudie le carillon avec Claude Aubin et Andrea McCrady. En 2013 Andrée-Anne est reçue à la Guilde des Carillonneurs.
Andrée-Anne cherche inlassablement à faire connaître et apprécier le vaste répertoire du carillon. Depuis quelques années Andrée-Anne initie son fils, Gabriel Doane-Picard, à l’art du carillon. Tous deux sont étudiants à l’École des carillons à Malines, en Belgique, la même institution qui a vu Émilien Allard et Émile Vendette parmi ses élèves.
À votre prochaine visite à l’Oratoire, c’est elle – ou son garçon, qui étudie le carillon en sa compagnie – que vous entendrez !
Carillonneur-e ? Carillonneuse ?
L’arrivée d’Andrée-Anne Doane à la console du carillon en 2009 soulève la question du terme à utiliser pour désigner la musicienne aux commandes du carillon. Claude Aubin et elle y réfléchissent et optent pour « carilloniste », un terme plus rare mais acceptée dans la langue française. Le terme laisse place à l’idée d’un musicien formé académiquement et qui maitrise le carillon non pas comme un amateur mais en vrai professionnel.
NOTES
(1) On peut consulter la notice de Denise Ménard sur Émilien Allard, sur le site de L’Encyclopédie canadienne : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/allard-emilien
(2) Conseil local, 30 décembre 1957.
(3) Dr Andrea McCrady est la carilloniste du Dominion, à la Tour de la Paix de la Chambre des communes du Canada, à Ottawa.
(4) Revue L’Oratoire, septembre-octobre 1977, 18.
(5) « Andrée-Anne Doane au carillon », revue L’Oratoire, janvier-février 2010, 26.
