Une amitié surprenante
Les pèlerins de tous horizons sont les bienvenus à l’Oratoire saint-Joseph du Mont-Royal, et ce, depuis les tout débuts de l’œuvre. Saint frère André était reconnu pour accueillir sans distinction les visiteurs, du plus humble jusqu’au plus fortuné. Au dire de son premier biographe, le colonel Georges Ham, on pouvait même certains jours croiser plus de protestants que de catholiques sur les flancs de la montagne.
Les dignitaires de l’Église furent évidemment nombreux à venir célébrer la messe après l’ouverture de la crypte, en décembre 1917. Plusieurs évêques, révérends pères et prêtres de grande qualité y ont prêché du vivant de saint frère André. Mais il y en a un en particulier qui se démarque par la réputation qui le précédait : Mgr Michael Francis Fallon (1867-1931).
Tout, ou presque, opposait saint frère André et Mgr Fallon, cinquième évêque du diocèse de London, en Ontario. Homme au physique imposant, doctorant en théologie à Rome, professeur à l’Université d’Ottawa, d’une éloquence remarquée, de caractère sincère mais militant, on le surnommait le « Guerrier à la Mitre »1. Il s’était surtout fait connaître au Québec comme « le plus grand ennemi des Canadiens français » en s’opposant aux écoles bilingues et aux demandes des Franco-Ontariens pour l’enseignement en français dans la province 2.
On remarque la première visite de Mgr Fallon à l’Oratoire, presque incognito, en juin 1921. Après avoir visité la crypte et le sanctuaire, Mgr Fallon demande comme une faveur spéciale à rencontrer le frère André. « Est-ce vrai tout ce que l’on dit de vous ? » lui demande-t-il. « Je ne sais pas tout ce que l’on dit, Monseigneur, mais on pourrait dire de moi bien du mal qui serait vrai.» « Est-ce bien vrai que saint Joseph vous accorde tout ce que vous lui demandez ? Tandis que nous autres, nous le prions sans rien obtenir.» Et frère André de lui répondre « Oh! Cela Monseigneur, je ne crois pas, parce que devant saint Joseph, nous sommes tous égaux. Lui, il ne fait jamais exception de personne ». Cette remarque, selon certains témoins, aurait été une façon pour le frère André d’intercéder auprès de Mgr Fallon en faveur des francophones de sa province 3.
Ainsi débutait l’amitié particulière entre ces deux serviteurs de l’Église.
En août 1925, Mgr Fallon présidait la cérémonie pour le 80e anniversaire de naissance du portier de l’Oratoire. Non seulement célébra-t-il le frère André, mais également les noces d’or sacerdotales du recteur, le père Alfred Roy, c.s.c. et celles du père Adolphe Clément, c.s.c. En avril 1927, l’évêque était de retour, cette fois-ci avec des pèlerins américains de Jersey City. Le charisme de cet Irlando-Canadien produisit un tel effet sur les pèlerins que ceux-ci laissèrent 1300 $ au moment de la quête, « sans parler des montants envoyés par la poste par des personnes incapables de faire le voyage »4.
Une partie des archives de cet ami improbable de saint frère André sont d’ailleurs mises en valeur sur le site du diocèse de London que nous vous invitons à visiter. Vous y trouverez en particulier le carnet de voyage de Mgr Fallon durant la Première Guerre mondiale, époque à laquelle il était responsable du clergé sur les champs de bataille en Europe. Ce précieux document (en anglais), peut être consulté à l’adresse suivante : https://dol.ca/wwi-virtual-exhibit