Si vous allez prier devant l’urne qui contient le cœur du Frère André, vous avez derrière vous une des trois scènes représentant des épisodes de sa vie: sa chambrette, au Collège Notre-Dame, d’où il contemplait souvent le nouvel Oratoire; le bureau où il a accueilli tant et tant de pèlerins; la chambre d’hôpital où il est décédé.
Period room 1: Loge de portier du Collège Notre-Dame.
Period room 2: Bureau de l’Oratoire où le frère André accueillait et écoutait pèlerins et visiteurs.
Period room 3: Chambre de l’hôpital Notre-Dame de l’Espérance, de Saint-Laurent.
Des trois, la montre qui me frappe le plus, c’est la deuxième et voici pourquoi. On y voit le petit frère debout, le regard vif et accueillant. Il prête une oreille attentive à la personne qui s’adresse à lui. Ce qu’il en a reçu des pèlerins pendant plus de trente ans!
Toujours il leur prêtait une oreille attentive, malgré une santé fragile. Pas étonnant alors que, parfois, il ait eu des sautes d’humeur. Il les regrettait amèrement sur le champ et longtemps par la suite.
J’en prends à témoin son voisin de chambre. Au retour de ses visites aux malades, en soirée, le frère André frappait assez souvent à la porte du Père Émile Deguire, pour lui raconter sa journée, ses rencontres avec les malades et lui confier ses peines, surtout ses manques à la patience, tandis qu’une larme coulait furtivement sur ses joues…
Rien n’empêche que c’est toujours la montre centrale, face à son cœur, qui attire davantage mon attention. Elle représente si fidèlement le futur saint, qui nous prête encore une oreille attentive.
Très jeune, je me suis intéressé à l’Oratoire. Mon institutrice, Mlle Thérèse Champagne, était une personne pieuse et compétente. Ses cours de catéchisme, à chaque matin, étaient toujours bien préparés et bien donnés. Elle nous faisait prier aussi.
Je me souviens qu’à chaque mois de mars, nous faisions la neuvaine à saint Joseph, nous aidant du feuillet illustré, en frontispice, par la grande statue de Joseph et l’Enfant de la crypte.
Mon grand-père paternel demeurait voisin de l’école. Souvent je m’arrêtais chez-lui soit pour y prendre le repas du midi, quand le temps était maussade, et aussi pour y parcourir la revue L’Oratoire. Je la déposais alors sur le divan, me mettais à genoux et la lisais d’une couverture à l’autre.
À l’été 1947, je me rends au sanctuaire du Mont-Royal en compagnie d’un oncle prêtre et d’une cousine. Cette visite m’impressionne beaucoup : je revois encore la blanche statue de la crypte, l’escalier intérieur de la petite chapelle, unique accès alors à la chambre du Frère André et son cœur, à l’entrée de l’ancien magasin des souvenirs.
L’année suivante, je me retrouve au Séminaire Sainte-Croix. C’était la coutume qu’à chaque neuvaine de mars, les séminaristes chantaient à l’une ou l’autre des messes solennelles. Je garde une photo de groupe d’une de ces messes. On y voit, au clavier de l’orgue de la crypte, le Frère Ubald Parr, vers la fin de la trentaine, le Père Marcel L’Heureux, notre maître de chapelle, et un bon nombre de séminaristes, dont Georges Martin et son cousin, le regretté Yvon.
Le jour de mon entrée au noviciat, au début d’août 1954, mes parents sont venus me conduire à Pointe-Claire et ils ont tenu à passer d’abord à l’Oratoire.
Sur la montagne
Tous ces événements n’étaient que des préparatifs à ma venue définitive au sanctuaire. Le point de départ se situe à la mi-juillet 1962. J’étais alors nommé aux études en pastorale, chez les dominicains de la Côte Sainte-Catherine, en résidence à l’Oratoire. En janvier 1963, on me demande, en plus, d’assister le Père Georges Saint-Aubin, à la rédaction de la revue. Quelques semaines plus tard, Georges entre à l’hôpital, pour l’ablation d’un rein, prend ensuite une longue convalescence et part enfin étudier en Europe.
Le 1er mai 1963, je suis confirmé dans les fonctions de rédacteur en chef de « revue de mon enfance ». Je le suis demeuré jusqu’en septembre 1969. Suivent deux années d’études en communications sociales et maîtrise en théologie, à l’université Saint-Paul, à Ottawa.
Le 1er juin 1971, je me retrouve à nouveau en selle : j’ai rempli les fonctions de rédacteur en chef et de directeur de la revue jusqu’au 14 octobre 1983.
Écrire droit avec des lignes courbes
De l’automne 1983 au printemps 1984, je connais l’épreuve de la maladie. Après ma convalescence et quelques cours chez les dominicains encore, je suis nommé vicaire à la paroisse Saint-Laurent, le 15 mai 1985. J’y suis demeuré jusqu’au 1er septembre 1992. Sept ans révolus ! J’ai bien aimé cette expérience, mais comme me le disait un jour le curé, Jean-Marc Chicoine : « si tu n’avais pas été confronté à la maladie, il est possible que tu serais resté à l’Oratoire et que tu ne serais jamais venu en paroisse. »
Je suis pourtant revenu à mes anciennes amours ! Pour combien de temps encore ? Dieu seul le sait. Tant et aussi longtemps que je m’y sentirai utile, je serai heureux d’y travailler.
Mais déjà, il me semble y avoir assez vécu pour mériter de porter le titre de l’homme de l’Oratoire. Ne croyez-vous pas ? À moins que je ne m’abuse…